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Ebed Melech, un modèle en temps de crise

Philip Nunn

décembre 2004

 

source : www.philipnunn.com

 

L’histoire s’est passée à Jérusalem il y a environ 2600 ans. L’armée des Chaldéens campait au pied des murs de la ville. Le prophète Jérémie parcourait la ville en en prédisant la chute imminente et en encourageant le roi Sédécias, les princes et le peuple à se rendre. La peur régnait, ainsi que les maladies et la famine. Il était clair que la fin était proche, mais la classe dirigeante n’avait pas encore saisi cette réalité nouvelle. Elle était plus préoccupée de se sentir aux commandes que de se soumettre à la voix de Dieu révélée par l’intermédiaire de Jérémie.  « Et les princes dirent au roi : Qu'on fasse donc mourir cet homme ! car pourquoi rend-il lâches les mains des hommes de guerre qui sont de reste dans cette ville, et les mains de tout le peuple, en leur parlant selon ces paroles ? car cet homme ne cherche point la prospérité de ce peuple, mais le mal. » Dans ces jours de tension qui menaient à la chute de Jérusalem, un esclave africain nommé Ebed Melech servait dans le palais royal (Jérémie 38 : 4-7). Peu de temps avant l’invasion des chaldéens, le Seigneur Tout Puissant a envoyé un message à ce gentil de la classe ouvrière « car certainement je te sauverai, et tu ne tomberas pas par l'épée ; et tu auras ta vie pour butin » (Jérémie 39 : 18). Qu’est-ce qui rendait Ebed Melech différent des autres habitants de Jérusalem ?

1.    Ebed Melech – un homme compatissant avec une grande vision

Le mot hébreu pour Ebed signifie « serviteur », et Melec « roi ». Le nom de cet eunuque éthiopien est mentionné six fois dans l’Écriture, et tout ce que nous savons à son sujet se trouve dans les chapitres 38 et 39 de Jérémie. La première fois, il nous est dit qu’il venait d’entendre que les princes du roi « avaient mis Jérémie dans la fosse1 » (38 : 7). Étant donné l’impopularité du message de Jérémie et la crise à Jérusalem, il est tout à fait plausible que les dirigeants voulaient le réduire au silence. Pourquoi Ebed Melech aurait-il voulu être impliqué ? il est certain que ce qui était arrivé à Jérémie n’était pas de sa responsabilité. Lorsque nous ne voulons pas faire quelque chose, beaucoup de bonnes raisons font surface dans notre esprit pour justifier notre passivité. N’est-ce pas le travail du Seigneur que de défendre ses serviteurs ? Peut-être que le Seigneur est en train de polir le caractère de Jérémie par la souffrance ? Jérémie doit mourir un jour, pourquoi pas cette semaine ? Après tout, personne n’est indispensable dans le travail pour le Seigneur ! Mais Ebed Melech avait cultivé la compassion dans son cœur. Ce cœur sensible ne lui permettait pas de rester indifférent. Combien il est aisé d’être absorbé dans l’affairement sans fin de notre petit monde : mes études, ma famille, ma maison, mon travail, mon église locale, mon confort, mon avenir. S’il nous faut être utile au Seigneur dans une sphère plus étendue, nous avons besoin de cultiver la compassion dans notre coeur, un cœur qui nous poussera à écouter, à voir et à sentir au delà de nos responsabilités habituelles.

2.    Ebed Melech – un homme vertueux en harmonie avec Dieu

La fosse était profonde. Jérémie avait du mal à y bouger, et à y trouver du repos, englué dans une boue glissante. Il était mouillé, fatigué et affamé. Que font les prophètes dans de telles circonstances ? Vous êtes vous déjà retrouvé désespérément réduit à l’impuissance ? Dans le livre des Lamentations, Jérémie décrit cela, ou une situation critique très similaire, dans un langage poétique : « J'ai invoqué ton nom, ô Éternel ! de la fosse des abîmes…Tu t'es approché au jour que je t'ai invoqué ; tu as dit : Ne crains pas. » (3 : 52, 57). Après une telle douce proximité, le Seigneur lui-même vient délivrer son serviteur. S’il a permis à Pierre de marcher sur les eaux, il aurait pu permettre à Jérémie de marcher sur de la boue liquide ! Si Élie a été enlevé dans les airs, alors le Seigneur aurait pu facilement tirer Jérémie hors de la fosse. Mais, comme il le fait habituellement, le Seigneur préfère agir par l’intermédiaire d’agents humains de bonne volonté. Qui à Jérusalem était toujours sensible à sa voix ? Qui le Seigneur pouvait-il utiliser ?

Sédécias, le roi de Juda, aurait pu être l’instrument idéal de Dieu. Il avait 32 ans, et régnait depuis 12 ans. Il était dans la meilleure situation pour intervenir. Mais moralement, c’était un homme faible. Son sens du bien et du mal avait été émoussé par des années de compromis politique. C’était en vue de son propre avantage qu’il satisfaisait ses princes (38 : 4-5). En tant que conducteur chrétien2, nous pouvons devenir davantage aptes à discerner l’humeur de nos amis et de notre congrégation, qu’à discerner la pensée de Christ. N’y avait-il donc personne en harmonie avec Dieu ? Personne qui essaie d’écouter ? Ebed Melech avait écouté Jérémie, et possédait des convictions morales claires. Il considérait que ce qui avait été fait à Jérémie était « mal » ou « méchant », et préparait son cœur à y porter remède. Que faites-vous quand vous sentez que quelque chose est mal ? Nous détournons nos yeux si facilement. « Il faudrait vraiment faire quelque chose… » avons-nous tendance à dire. « Peut-être n’est-ce pas si mal que ça ? », commençons-nous à penser. La maturité morale est le fruit d’un exercice régulier (Hébreux 5 : 14). Même aujourd’hui, le Seigneur recherche des hommes et des femmes pieux pour porter remède au mal. Le Seigneur peut-il nous utiliser ?

3.    Ebed Melech – un homme audacieux qui a rompu le silence

Ebed Melech a quitté le palais, trouvé le roi et dit : « ô roi, mon seigneur ! ces hommes ont mal fait dans tout ce qu'ils ont fait à Jérémie le prophète » (38 : 8-9). Ce sont des paroles hardies de la part d’un serviteur envers son maître. Les rois, habituellement, n’aiment pas à être repris, en particulier sur les sujets moraux. Et pourtant, en son for intérieur, le roi Sédécias savait qu’Ebed Melech avait raison. Il a tout de suite fourni à Ebed Melech 30 hommes pour faire « monter Jérémie le prophète hors de la fosse, avant qu'il meure » (38 : 10). Il y avait peut-être d’autres personnes à Jérusalem qui savaient ce qu’on avait fait à Jérémie et se sentaient mal à l’aise, mais ils ont choisi de garder le silence. Quand vous faites part de votre souci, vous vous impliquez dans le problème. Peut-être qu’on vous fera subir le même sort qu’à celui que vous défendez. Votre loyauté vis à vis de la cause du peuple peut être remise en question. Il faut de l’audace pour rompre le silence. Il faut de la conviction pour tenir ferme face au courant. Vous avez peut-être remarqué quelque chose qui a besoin d’être corrigé : de la mondanité qui rentre insidieusement chez vous, une procédure morale incorrecte qui devient normale à votre travail, une décision ou une pratique en conflit avec l’Écriture qui est acceptée par les chrétiens avec lesquels vous êtes en communion. Il est à remarquer qu’Ebed Melech n’a pas initié une révolution morale pour destituer le roi et ses princes. Il a utilisé les moyens appropriés. Il a été l’instrument qui a fait changer l’avis du roi à ce sujet. Il a calmement expliqué avant d’agir. De mauvaises façons d’agir ont gravement porté préjudice à beaucoup de bonnes causes, nobles et morales. Nous sommes appelés à faire le travail de Dieu, mais à la manière de Dieu.

4.    Ebed Melech – un homme conséquent, qui a pesé de tout son poids

Vous avez besoin d’avoir les yeux ouverts et les oreilles attentives pour détecter un problème. Vous avez besoin d’un cœur compatissant pour vous identifier avec lui. Vous avez besoin de hardiesse pour le faire connaître. Et pourtant, Ebed Melech ne s’est pas contenté d’idées, de mots et de négociations. Il a pris les hommes, des chiffons, des cordes, « et ils tirèrent Jérémie dehors avec les cordes, et le firent monter hors de la fosse » (38 : 11-13). Il s’est sali les mains et a mis tout son poids dans la balance. Lorsque le Seigneur nous met un souci brûlant au cœur, il veut nous voir agir d’une manière ou d’une autre. Penser et parler, ce n’est pas assez. Si le Seigneur vous met à cœur la condition spirituelle d’un ami ou d’un parent, le fardeau ne s’allégera que lorsque vous commencerez à agir. Priez. Écrivez-lui un email ou une carte. Envoyez-lui un CD de musique ou un livre. Invitez-le à un événement chrétien. Recherchez activement des opportunités. Le Seigneur a accordé à ses disciples de voir les besoins dans le champ de la moisson, et ensuite il leur a demandé de prier : « suppliez donc le Seigneur de la moisson, en sorte qu'il pousse des ouvriers dans sa moisson. » Un peu plus tard, Jésus envoie ces douze pour faire quelque chose dans ce champs de la moisson (Matthieu 9 : 35 à 10 : 16). Chez Ebed Melech, nous voyons l’heureuse concordance entre le cœur et les mains, entre le souci et l’implication pratique, entre les paroles et l’action …

5.    Ebed Melech – un homme calme qui a choisi de faire confiance à Dieu

Jérémie tiré de la fosse, l’attention s’est de nouveau portée sur la crise globale : l’invasion imminente. Le roi Sédécias et Ebed Melech étaient tous deux effrayés par l’armée brutale qui assiégeait la ville. Peut-être Ebed Melech était-il aussi effrayé à l’idée de ce que pourraient lui faire les princes du roi en représailles pour avoir aidé Jérémie. Le roi Sédécias a fait appeler Jérémie secrètement, et lui a demandé un message de la part du Seigneur. Le message de Jérémie n’avait pas changé : « Si tu sors franchement vers les princes du roi de Babylone, ton âme vivra et cette ville ne sera point brûlée par le feu » (38 : 17) Rien qu’à l’idée d’obéir à cet ordre, Sédécias était paralysé de peur . Qui craignait-il ? « Je crains les Juifs qui se sont rendus aux Chaldéens ». (38 : 19). Pourquoi les craignait-il ? Parce que Sédécias et ses princes avaient maltraité ceux qui essayaient de se rendre. Ils les appelaient déserteurs, traîtres. Ils étaient arrêtés et battus (37 : 13-15). Sédécias savait qu’il était dans une position difficile : pour se rendre aux Babyloniens, il aurait dû faire ce qu’il avait précédemment condamné. Vous êtes-vous déjà retrouvé dans une situation similaire ? Avez-vous été capable de reconnaître et d’admettre avoir mal agi auparavant ? Les erreurs publiques exigent une confession publique.

Jérusalem est tombée. Les Babyloniens ont incendié la ville. Les enfants de Sédécias ont été tués devant lui. Il a été enchaîné, ses yeux ont été crevés, et il est mort à petit feu en exil. Sédécias a payé le prix fort pour avoir résisté à la direction du Seigneur. Nous pouvons voir ici une image vivante des tristes effets du manque d’humilité dans la conduite chrétienne, que ce soit à la maison ou dans l’assemblée. Si nous ne sommes pas disposés à écouter Sa voix et à ajuster notre comportement en conséquence, nous perdrons nos « yeux » - notre aptitude à percevoir la direction à venir. Nous resterons enchaînés et limités par des schémas et des traditions malsains. Nous cesserons d’être des modèles pour nos enfants – nous perdrons la génération qui vient. Nous serons source de douleur pour les autres. Et finalement, nous mourrons, - mais très loin de là où le Seigneur aurait voulu nous avoir. Et au sujet d’Ebed Melech ? Il a vécu en paix « Et je te délivrerai en ce jour-là, dit l'Éternel, et tu ne seras point livré en la main des hommes dont tu as peur. Je te sauverai… car tu as eu confiance en moi » (39 : 17-18). Libre et comblé de bénédictions, avec la joie et la légèreté de cœur qui viennent par l’obéissance, Ebed Melech est calmement retourné dans l’ombre.

Conclusion

Vous n’êtes peut-être pas un conducteur. Ebed Melech non plus. Vous avez peut-être choisi de vous installer dans une vie chrétienne passive à cause de votre nationalité, de votre race, de votre manque de force virile, votre âge ou votre position sociale. Ebed Melech était désavantagé sur de nombreux plans, mais aujourd’hui, plus de deux millénaires et demi après sa mort, ses actions nous servent toujours de modèle ! Dans les mains du Dieu Tout Puissant, vous et moi pouvons aussi changer le cours des choses.

 
  1. Le mot anglais est “citerne”.

  2. En anglais, “leadership”, c’est à dire la caractéristique de quelqu’un qui est à la tête et qui conduit, comme le cheval à la tête de l’attelage, mais pas dans le sens du conducteur de bus (ou du cocher… !)

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