HPM : Pour entrer directement dans le
sujet : beaucoup de frères ont toujours dit que le fait que le
chrétien est un étranger sur la terre (1 Pierre 2 : 11) et un citoyen du
ciel (Philippiens 3 : 20) est un argument suffisant pour ne pas voter.
Qu'est-ce que tu en penses ?
WJO : Je l'ai pensé moi-même aussi,
mais quelque part cet argument ne tient pas debout. Le fait que nous
sommes étrangers et notre bourgeoisie céleste impliquent bien
qu’ici-bas nous devons nous comporter autrement que les
non-chrétiens -c'est à dire pas d'une façon mondaine, mais en accord
avec le ciel - mais cela ne veut pas dire pour autant que les
chrétiens ne peuvent pas participer aux élections.
HPM : Tout à fait d'accord ! Aussi dans
la politique les chrétiens pourraient réaliser le fait qu'ils sont
étrangers sur terre et citoyens des cieux, comme en fait ils doivent
le faire sur tous les terrains de la vie terrestre. On pourrait
donc le faire; mais il s'agit maintenant de la grande question
si, selon la Parole, nous devons aussi le faire, aussi sur le
terrain de la politique.
WJO : Mais fais bien attention ! La
question : où est-ce que nous lisons dans la Bible que des chrétiens
doivent entrer sur le terrain de la politique ? n'a pas de raison
d'être, parce que nombre d'autres possibilités contemporaines pour
les chrétiens (comme la création d'écoles, d'entreprises,
d'associations etc..) ne sont non plus mentionnés dans la Bible.
HPM : Tu as raison, il ne faut pas que
nous lisions la Bible comme une sorte d'encyclopédie, une
collection de textes entre lesquelles nous n’avons qu'à chercher les
réponses à nos questions. Mais je fais quand même une distinction
entre la politique et les autres relations sociales de la vie
terrestre. Je ne vois pas d'inconvénients que des chrétiens créent
des familles, des entreprises, des écoles ou des associations,
mais sur le terrain de la politique, il ne faut pas qu’ils créent le
Royaume de Dieu.
WJO : Mais pourquoi cette exception
? Est-ce parce que la politique est une activité pécheresse, que
nous devons éviter ? Nous ne devons quand même pas chercher le mal
dans les choses elles-mêmes, mais dans la condition du cœur naturel
de l'homme. Il y a beaucoup de familles pécheresses, d’entreprises
pécheresses, d'écoles pécheresses, mais cela ne signifie pas pour
autant que les familles, les entreprises et les écoles sont
mauvaises en soi.
HPM : Je suis bien d'accord avec cela.
Les formes de la vie sociale elles mêmes, le monde visible et
tangible, ne constituent pas le mal en soi, mais le Méchant forge
tout cela ensemble pour créer une arme colossale qu'il dirige contre
Dieu. C'est là la signification du terme biblique "le monde" comme
le système dépravé sous la direction du Diable (Jean 14 : 30). Mais j'ai
un autre argument pour faire une exception pour la politique parmi
les formes sociales terrestres. Cet argument est le suivant : est-ce
que, en participant activement à la politique, on n'est pas en train
d’ « améliorer » le monde et de réaliser le royaume de Dieu dans ce
monde avec nos propres mains ?
WJO : Non, cela n'est pas du tout
nécessaire. Ce que des chrétiens font, c'est présenter simplement
l'autorité de Dieu et de sa Parole sur tous les terrains où ils
peuvent exercer de l'influence. Cela, on le fait par exemple dans la
famille, lorsqu'on élève ses enfants sous la discipline et les
avertissements du Seigneur. Dans le travail, lorsque là aussi on
essaye de servir le Seigneur. Et ainsi des chrétiens donnent leur
voix à un chrétien politicien, parce qu'ils veulent qu'aussi dans la
politique on tienne compte de la Parole de Dieu. Là où des chrétiens
se placent, dans toutes les formes de la vie sociale, sous la Parole
du Seigneur en la proclamant, le royaume de Dieu devient déjà
visible pratiquement, non seulement dans la famille, dans l'école,
dans l'entreprise et dans l'association, mais aussi dans la
politique.
HPM : Oui, bien sûr, mais cela ne veut
pas dire que des chrétiens sont appelés à exercer du pouvoir. Laisse
moi d'abord parler d'un autre malentendu. Dans le temps j'ai souvent
résumé la question de la façon suivante. "Maintenant souffrir avec
Christ, plus tard régner avec Christ" (cf. Romains 8 : 17 ; 2 Timothée 2
: 12).
Mais maintenant, je pense que ce raisonnement n'est pas tout à fait
exact. Nous souffrons maintenant, aussi là où nous régnons et
exerçons du pouvoir. Des parents chrétiens, des professeurs
chrétiens, des employeurs chrétiens connaissent aussi des
difficultés, lorsqu'ils veulent être des disciples du Seigneur d'une
façon conséquente. Ainsi ils souffrent, bien qu'ils dirigent et
exercent du pouvoir. Mais maintenant je viens sur ce qui, d'après
moi, est le point central : selon moi, dans ce temps, le Royaume de
Dieu ne s'étend pas par l'exercice de pouvoir sur le macro-niveau du
monde (de la société), mais par l'œuvre de l'Esprit sur le
micro-niveau du cœur. Nous devons prêcher l'évangile et non pas
forcer des gens qui ne sont pas nés de nouveau à vivre selon des
normes bibliques. Je ne peux pas m'imaginer que dans cette
dispensation intermédiaire, nous devrions utiliser du pouvoir pour la
cause du Seigneur.
WJO : Comme tu présentes les choses
maintenant, je ne le crois pas non plus. Mais je pense que de
nouveau, tu fais une fausse contradiction entre l'état et les autres
formes de la société. L'état n'est pas une forme d'organisme central
qui a du pouvoir sur toutes les autres formes de vie sociale. Dans
toutes les formes de vie sociale, des hommes exercent du pouvoir :
des parents sur des enfants, des employeurs sur des employés, des
professeurs sur des élèves, des conseils sur des membres, des
autorités sur leur ressortissants. Si des chrétiens peuvent être des
parents, des employeurs, des membres du comité, pourquoi donc ne
peuvent-ils pas être des fonctionnaires ou des magistrats ? Et
n'oublie pas : les autorités sont une ordonnance de Dieu et un
serviteur de Dieu (Romains 13 : 1-4) ; qui pourrait faire mieux le travail
de ces autorités que des chrétiens, qui veulent aussi servir Dieu
concrètement ?
HPM : Mais où est-ce que tu trouves
que le Seigneur Jésus a fait appel à une action politique ? A
plusieurs reprises, Il a eu l'occasion de le faire, mais il ne l’a
pas fait. Où est-ce que les Epîtres nous appellent à une activité
politique ? Bien sûr, nous nous sommes mis d'accord tout à l'heure
que nous ne voulons pas utiliser la Parole comme une collection de
textes qui doivent servir comme preuve pour ceci et pour cela. Mais
le fait que le Nouveau Testament se tait sur ce sujet n'est-il pas
très significatif ?
WJO : Mais quand tu raisonnes de
cette façon, j'ai quelques questions en retour pour toi. Où est-ce
que nous lisons dans la Bible que le proconsul Serge Paul (Actes
13 : 12) a reçu le conseil urgent de déposer son proconsulat ? Ou Publius, dans une position comparable (Actes 28
: 1-10) ? Et Eraste,
l'administrateur de la ville de Corinthe (Romains 16 : 23) ? N'est pas
magnifique que l'Empire Romain ait aussi connu des dirigeants
chrétiens ? Devaient-ils laisser leur place à des incrédules ?
HPM : Ces derniers arguments, je ne
les trouve pas tellement forts. Le système politique dans lequel ces
gens fonctionnaient était bien autre chose que notre démocratie
parlementaire moderne, issue des racines pécheresses de l'Humanisme
et de l'Illumination. Nous ferions bien d'analyser à fond ses
principes anti-divins.
WJO : Mais, à mon avis, là tu
suggères à tort que la démocratie en soi soit quelque chose de
pécheur, et cela ne me semble pas justifiable. Tant que le Seigneur
n'a pas fondé en puissance et en majesté son Royaume sur la terre,
je vois la démocratie comme l'alternative la moins mauvaise, parce
qu'elle tient en équilibre les forces mauvaises donnant la meilleure
garantie pour le déploiement des minorités. Pour cette raison, je
vois la démocratie comme un don, qui nous est offert par Dieu dans
sa providence, et qui nous a apporté paix et prospérité et qui, plus
que tout autre système, a donné "une vie paisible et tranquille" aux
chrétiens. (cf. 1 Timothée 2 : 2). D'après moi il n'y a pas de système
meilleur, tant que nous avons affaire avec des hommes pécheurs, qui
abusent de chaque forme d’autocratie. Seulement dans 1e millenium
il y aura un Autocrate parfait : Christ.
HPM : Tu as raison de dire que les
racines pécheresses de la pensée de la philosophie politique
démocratique ne constituent pas une raison déterminante pour nous
distancier du système démocratique : la plupart des chrétiens ne
voient pas le moindre inconvénient à profiter des fruits de la
démocratie. De la même façon, ils participent par exemple à
l'économie capitaliste -d'ailleurs ils ne peuvent presque pas
autrement- et celle-ci n’a pas non plus un fondement biblique. Mais
la question est la suivante, est-ce que nous pouvons utiliser une
majorité de 51% pour imposer au monde des normes bibliques ?
WJO : Mais ce sont tout de même des
normes divines ! Les ordonnances créatrices de Dieu sont quand même
valables pour tous les hommes ! Comprends moi bien : je ne dis pas
que l'autorité doit s'occuper de tout ce que les Hollandais font
dans leurs chambres privées. Mais à mon avis des chrétiens peuvent
et doivent se dépenser pour un maintien des normes divines sur le
terrain de l'ordre public. Dieu n'a pas supprimé ces commandements
lors de la chute ! Autorités et sujets se trouvent sous des
commandements,. qu'ils veulent le savoir ou non. Des évangélistes
doivent prêcher la repentance, des autorités doivent maintenir
l'ordre public. Et tous les deux ils doivent le faire selon la
Parole de Dieu. Pour cette raison, nous pouvons et devons
réprimander les autorités au sujet de ces commandements. Pensons à
Jean Baptiste, qui sans hésitation disait à Hérode : "il ne t'est
pas permis d'avoir la femme de ton frère" (Matthieu 14 : 4). Ainsi je suis
très reconnaissant pour une poignée de frères fidèles devant le
Parlement : l'effet est peut-être pratiquement nul, peut-être qu'un
jour ça leur coûtera la tête, mais ils ont un témoignage prophétique
fidèle.
HPM : Mais pour une parole prophétique,
pour un témoignage, tu n'as pas besoin des bancs du Sénat ou de
l'Assemblée Nationale ! Comme tu viens de le dire, on ferait mieux
de se mettre avec une banderole devant le Parlement ou y mettre une
tribune ! Ou, mieux encore : écrire des articles dans des journaux
et des périodiques sur des sujets actuels, cela fait réfléchir les
gens.
WJO : Non, je ne suis pas tout à
fait d'accord avec toi. La loi des Pays-Bas donne la possibilité aux
chrétiens de donner ce témoignage là où il le faut et là où il est
aussi le plus effectif : dans le Parlement, en faisant là le métier
politique dans la lumière de la Parole de Dieu.
HPM : Mais finalement, le chrétien qui
écrit des articles et des livres ne se compromet pas avec le système
! Et, à mon avis, le chrétien dans le Parlement fait cela. Comment
garder là des mains pures ? Comment éviter là le "joug mal assorti"
(2 Corinthiens 6 : 14)? Comment peut on participer à un système qui laisse la
possibilité à "50% + 1" de prendre les décisions les plus
antichrétiennes ?
WJO : Heureusement, cela ne se
présente que rarement ! La grande majorité des lois qui sont
promulguées sont des lois bonnes et salutaires. Mais j'avoue qu'un
temps peut arriver où les chrétiens ne pourront plus participer !
Mais pour le moment je le vois de la façon suivante : le 3 mai, les
autorités me disent : "Nous voulons faire notre travail de la
meilleure façon, et pour cela nous voulons nous faire contrôler par
vous. Qui est-ce que vous voulez déléguer pour nous dire comment
nous devons faire notre travail ?" Et bien, est-ce que moi, comme
chrétien, je dois dire "je ne vous le dirai pas" ?
HPM : Je pense que je répondrais comme
chrétien : « Il ne me convient pas de répondre à votre question à
partir de la Bible. Je veux bien vous dire comment vous devez faire
votre travail notamment à la lumière de la Parole, mais je ne veux
déléguer personne pour cela ». Mais quoi qu'il en soit, je crois
comprendre que tu déposeras un bulletin de vote rempli dans l'urne
le 3 mai ?
WJO : Je pense bien, oui. D'ailleurs
je l'ai fait déjà lors des élections passées. Est-ce que tu vas
voter ?
HPM : Je pense que non, bien que j'aie
déjà appris à filtrer et à re-méditer mes arguments pour cela. Mais
nous laisserons aux lecteurs le soin de prendre leur propre
décision.