
Dublin
1827
Il est généralement admis que
la première assemblée de frères sest formée à
Dublin en 1827. Un petit groupe de croyants, quelque peu
déçus de la tiédeur de lÉglise nationale
(anglicane) se réunit là, dans la maison de lun
deux pour lire la Bible et prier, mais aussi pour
partager la Sainte Cène. On connaît le nom de quatre
dentre eux (même si lhistoire les a un
peu oubliés, et les darbystes aussi) :
-
Deux étudiants en
théologie âgés dune trentaine
dannées : Antony Groves et John Gifford Bellett
-
Edward Cronin chez qui ils se
réunissent, et un dénommé Francis Hutchinson

Remarque : n'oublions pas que, dans
les années 1825-1830, ces frères étaient de jeunes croyants âgés
d'environ 30 ans ...
Autour deux va se former un
groupe qui va croître très vite (ils changent de salle
trois fois en trois ans) mais il faut noter que dans un
premier temps ceux qui y participent continuent à
fréquenter leur église dorigine. Ils
nhésitent dailleurs pas à inviter leurs
pasteurs à leurs réunions.
Mais cette réunion de Dublin
nest que la partie visible de liceberg :
un peu partout en Europe et dans les pays christianisés
souffle le vent dun Réveil spirituel qui touche
surtout les églises protestantes et se fait soit en leur
sein, soit en marge. Ainsi apparaissent ce que lon
appellerait aujourdhui des églises de maison
regroupant des croyants qui insistent sur 3 points :
-
La nécessité dune
authentique conversion personnelle (en réaction au
formalisme religieux),
-
La présence du Seigneur au milieu
des deux ou trois réunis en son nom (selon Matthieu
18 : 20)
-
Le sacerdoce universel sans
nomination (chacun peut prêcher et prier lors des
réunions).
Ce réveil touche lIrlande,
le sud de lAngleterre (Plymouth en particulier)

carte du Réveil - 1810
La Suisse, dès 1817
Suite aux
prédications de Robert Haldane sur lépître aux
Romains, se lève une génération dévangélistes
laïques non ordonnés qui prêchent en marge des
églises le salut par la foi (et non les idées de
Rousseau, comme ils le reprochent à léglise
officielle). Parmi eux, on trouve : César Malan (leur
père spirituel), Frédéric Monod, Ami Bost, Félix
Neff, Louis Barbey, Albert Dentan
Le fait
quils soient en général interdits de parole dans
les temples attire la foule dans les réunions de maison.
En France
Ce sont souvent les
gens modestes qui boudent le temple, quelque peu
embourgeoisé depuis le Concordat de 1805, et se
réunissent dans les fermes : en Haute-Loire, dans
la Drôme, le Béarn, et lest de la France en
particulier.
Il existe des réunions du même
type en Allemagne, en Italie
Ces groupes reçoivent des
appellations diverses selon les régions : frères
(brethren) en Grande-Bretagne, momiers en Suisse,
piétistes au Pays de Montbéliard. Ailleurs on parle de
pieux, de réveillés, de bigots, de puritains...
Pourquoi Dublin est-elle
considérée comme la première assemblée ?
Il y a deux raisons essentielles :
-
Elle est la première où
lon accomplit un acte ecclésiastique significatif
avec la célébration de la Sainte Cène dès 1827
-
Elle va recevoir la visite de
celui qui va devenir la figure de proue du
mouvement : John Nelson Darby
John
Nelson Darby (1800-1882)
Né en 1800, fils dun riche
négociant irlandais, il doit son deuxième prénom à
son parrain qui n'était autre que lAmiral Nelson.
Cest un élève brillant. A
19 ans, il entame déjà une carrière davocat (au
passage, il sort premier prix de son école), mais à
lâge de 22 ans il découvre la foi, renonce à sa
carrière et entreprend des études de théologie. Vexé,
et peu religieux, son père le déshérite, mais un oncle
subvient à ses besoins pendant ses études. A 26 ans, il
est ordonné prêtre dune paroisse rurale en
Irlande où ses paroissiens apprécient son dévouement
mais presque aussitôt, deux événements vont marquer un
tournant dans sa position ecclésiastique :
-
Un
débat qui agite l’Église anglicane, la "question
catholique": le gouvernement dAngleterre
souhaite reconnaître légalement lexistence
confessionnelle des catholiques et leur ouvrir
laccès aux fonctions officielles. La Haute Église
sy oppose, et Darby reçoit de son archevêque
lordre de signer une pétition contre ce projet.
Darby refuse. Lidée que lÉglise fasse
pression sur le pouvoir politique pour disqualifier
dautres chrétiens le révolte.
-
Fin 1826, il est blessé par un
cheval et doit se faire soigner à Dublin, où il
rencontre presque fortuitement Bellett, Groves, Cronin et
Hutchinson.
A partir de cette rencontre,
Darby va peu à peu mûrir une conception quelque peu
révolutionnaire de lÉglise, que l'on peut
résumer en 4 points :
-
Cest le
Saint Esprit qui suscite un ministère, non pas
lordination (1 Corinthiens 12 : 4 et 11). Darby
abandonne lidée de la transmission
apostolique quil estime perdue vu que
"des hommes irréligieux sont
consacrés, alors que des fidèles nont pas
le droit de prêcher".
-
Aucune organisation
nest nécessaire pour se réunir entre
chrétiens (Matthieu 18 : 20) "il y a partout de
vrais chrétiens, seulement ces disciples du
Seigneur doivent se réunir, se regrouper sans le
concours daucun cadre rigide ; libres
et spirituels comme ils sont, aucune organisation
nest nécessaire car ils peuvent former la
véritable Église".
4 versets
clés du mouvement des frères
-
Il
y a diversité de dons de grâce... mais le seul
et même esprit opère toutes ces choses,
distribuant à chacun en particulier comme il lui
plaît (1 Corinthiens 12 : 4 et 11)
-
Là
où deux où trois sont assemblés en mon nom, je
suis là au milieu d'eux. (Matthieu 18 : 20)
-
Sortons
vers lui, hors du camp (...) car nous n'avons pas
ici de cité permanente, mais nous recherchons
celle qui est à venir (Hébreux 13 : 13-14)
-
Le
pain que nous rompons n'est-il pas la communion
du corps du Christ? (1 Corinthiens 10 : 16)
Il faut noter que dans les
années qui suivent, de 1830 à 1836, Darby va rencontrer
les assemblées naissantes dIrlande et
dAngleterre mais il na toujours pas rompu
avec lÉglise anglicane, ce qui au passage lui donne
la possibilité de prêcher un peu partout.
Mais en 1836, il prône
la rupture avec les églises nationales
auxquelles il reproche leur association avec le
pouvoir politique (il faut dire qu'il a tenté un
dialogue avec son archevêque, qui a échoué).
Il appelle les frères à sortir "hors
du camp" insistant sur la vocation
céleste de lÉglise, qui implique une
séparation davec le pouvoir temporel.
(Hébreux 13 : 13-14). Cet appel lui vaudra une grande
impopularité dans les milieux protestants.
Les croyants qui restent
dans ces églises continueront à être reçus
pour la Sainte Cène dans les assemblées, avec
toutefois plus de prudence.
Ces bases étant posées, à
partir de 1837, et pratiquement jusquà sa mort,
Darby va entreprendre de nombreux voyages qui vont faire
de lui le leader incontesté et le principal fédérateur
des assemblées de frères. Partout où il passe, des
groupes de réveil adoptent ses points de vue et se
joignent aux assemblées de frères. Darby voyage un peu
partout en Europe, mais aussi aux États-Unis, au Canada,
en Amérique du Sud, en Nouvelle-Zélande et en
Australie.
Darby a été un homme dune
activité débordante. Il est lauteur de nombreux
ouvrages qui représentent un total de 14000 pages ainsi
que de 3 traductions de la Bible :
-
en français (version Darby),
ardue mais très littérale et toujours utilisée dans
les assemblées en France.
-
en anglais (New version)
-
en allemand (Bible
dElberfeld)
Darby maîtrisait 6
langues : anglais, hébreu, grec, français,
allemand et italien.

Développement des assemblées de frères de
1830 à 1872
De 1837 à 1848, le Mouvement des
frères va prendre une grande ampleur (on compte des
assemblées de plus de 500 personnes, 30 assemblées pour
la seule ville de Londres...), mais son succès sera
atténué en 1848, par laffaire Newton (ou affaire
"Béthesda") qui va scinder le mouvement en deux
tendances :
-
les frères exclusifs (avec
Darby) : plus stricts, en particulier au niveau de
la participation à la sainte cène.
Ils sont restés
proches de la forme primitive des assemblées (jamais de
pasteur nommé).
-
les frères larges (avec
Müller, fondateur des orphelinats de Bristol) :
plus tolérants, nomment des responsables et parfois des
pasteurs.
Depuis cette époque, le
mouvement sest maintenu avec plus ou moins de
succès sur ses implantations dorigine (pays
anglo-saxons) et a progressé surtout en terre de mission
(dans certains pays, il y a plusieurs centaines
dassemblées : Inde, Pakistan, Tchad pour
les frères larges ; Égypte, Zaïre pour les
frères exclusifs).

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