S’enfuir nu
« Ils
s’enfuirent de la maison, nus et blessés »
Actes 19 :
16
Philip Nunn
Armenia,
Colombie – Avril 2006
source :
www.philipnunn.com
Il n’y a guère que des
personnes sérieusement déviantes pour apprécier l’idée de s’enfuir nus
hors de la maison. Pour la plupart d’entre nous, rien que cette pensée
constitue un cauchemar troublant ! De manière intéressante, les mots
nu ou nudité apparaissent près de 100 fois dans l’Écriture,
depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse. C’est un mot très vif et chargé
d’émotion qui est utilisé de manière figurée
pour produire un grand effet. Il est parfois utilisé dans un sens
positif pour transmettre l’idée d’intimité sexuelle, de réalisme ou de
transparence (Lévitique 18 : 16 – Hébreux 4 : 13). Il peut être
également utilisé dans un sens négatif pour transmettre l’idée de
pauvreté, de vulnérabilité, de solitude, de défaite ou de honte avérée.
À la ville de Ninive, Nahum prophétise : « voici, j'en veux à toi, dit
l'Éternel des armées, et je relèverai les pans de ta robe sur ton
visage, et je monterai aux nations ta nudité, et aux royaumes ta
honte. » (Nahum 3 : 5)
Mais ce terme est également
utilisé dans un sens littéral. Nous savons
qu’initialement, Adam et Ève vivaient nus. Ils étaient dans un état
d’innocence. Il nous est parlé d’un homme qui vivait sans vêtements dans
un cimetière. Il était possédé par des démons (Luc 8 : 27). Nous pouvons
également nous poser quelques questions lorsque nous lisons que le roi
Saul « se dépouilla de ses vêtements, et prophétisa, lui aussi, devant
Samuel, et tomba nu par terre, tout ce jour-là et toute la nuit. » (1
Samuel 19 : 241)
ou que le prophète Michée indique « Je marcherai déchaussé et nu »
(Michée 1 : 8, L. Segond) ou que, dans une déclaration prophétique
tranchante, le Seigneur lui-même demande à Ésaïe de marcher nu trois
années (Ésaïe 20 : 2-3). Ce sont là des expressions littérales, mais
elles doivent être comprises dans leur contexte. Le mot traduit par
nu peut également signifier en sous-vêtements ou
insuffisamment ou pauvrement vêtu. Leur conduite attirerait
manifestement l’attention publique, mais ne serait pas considérée comme
immorale. Les cinq situations qui suivent nous donnent quelques leçons
utiles.
1.
Libéré de la honte
« Et ils étaient tous deux nus,
l'homme et sa femme, et ils n'en avaient pas honte. » (Genèse 2 : 25).
Tel était le dessein initial de Dieu. Puis nous avons péché, nos yeux
ont été ouverts, et notre nudité est devenue une cause de honte. La
honte mène à la crainte, et nous avons ressenti le besoin pressant de
nous couvrir et de nous cacher. La honte et la crainte sont devenues des
outils dans les mains de Satan pour handicaper et paralyser le peuple
racheté de Dieu. Nous sommes concernés par notre image. Nous craignons
que les autres puissent découvrir que nous ne sommes pas aussi bons,
aussi altruistes ou spirituels qu’ils pourraient le penser. La crainte
nous conduit à faire semblant, à assembler des feuilles de figuier
religieuses et à cacher une telle nudité. « Et l'Éternel Dieu fit à Adam
et à sa femme des vêtements de peau, et les revêtit. » (Genèse 3 : 21).
Une fois que nous confessons et que nous renonçons au péché caché, une
fois que nous acceptons le plein pardon de Dieu, la honte et la
culpabilité sont remplacées par la paix et la joie. Lorsque Dieu nous
regarde, il voit le sacrifice de Christ. Lorsque d’autres nous
regardent, ils voient ce que Christ continue à faire en nous. Lorsque
nous nous sentons pleinement acceptés par le Seigneur, notre besoin
pressant de nous cacher et de faire semblant disparaît. Nous nous tenons
libres devant Dieu et les hommes.
2. Les
occasions manquées
Après l’institution de la Cène
dans la chambre haute, Jésus et ses disciples s’en sont allés dans un
jardin. C’est là que Judas a embrassé le Seigneur pour le livrer. À cet
endroit, Marc, qui ne faisait pas partie des Douze, ajoute deux
versets : « Et un certain jeune homme le suivit, enveloppé d'une toile
de fin lin sur le corps nu ; et ils le saisissent ; et, abandonnant la
toile de fin lin, il leur échappa tout nu. » (Marc 14 : 51-52). Qui
était ce jeune homme ? Que faisait-il à marcher de nuit vêtu d’un drap ?
Pourquoi ces deux versets sont-ils dans l’Écriture ? Les commentateurs
pensent que Marc pouvait parler de lui. C’était sa façon de marquer ses
initiales sur le tableau, sa manière de dire « j’y étais moi aussi ». Il
est possible que Marc soit le fils du propriétaire de la grande maison
où a eu lieu la première Cène (Marc 14 : 14 – Actes 12 : 12). Il s’est
réveillé en entendant des bruits bizarres dans le jardin de Getsémané, a
saisi ce qui se trouvait à portée de sa main, un drap, et a filé hors de
la maison pour voir ce qui se passait. Quel qu’il ait été, il était
curieux, mal préparé, et a quitté la scène tout nu en courant !
De nouvelles opportunités de
rendre témoignage ou de servir peuvent-elles nous trouver endormis et
mal préparés ? Pierre encourageait les croyants à être « toujours
prêts à répondre » (1 Pierre 3 : 15). Les
traditions religieuses peuvent être suivies et défendues sans y
réfléchir. Mais les convictions bibliques ne peuvent être acquises sans
en payer le prix. Il nous faut cultiver notre communion avec le
Seigneur. Ceux qui veulent le suivre en recherchant des aventures
religieuses personnelles s’en vont vite. Sommes-nous prêts à tenir ferme
pour Jésus lorsque d’autres menacent, rient ou fuient ? De plus, le
Seigneur prépare de bonnes œuvres pour que nous marchions en elles
(Éphésiens 2 : 10). Sommes-nous prêts à nous y engager ?
Développons-nous nos dons ? Croissons-nous ? Paul encourageait Timothée
à être « utile au Maître, préparé pour
toute bonne œuvre » et à « insister2
en temps et hors de temps » (2 Timothée 2 : 21 – 4 : 2). Si nous
attendons pour tenter de servir le Seigneur jusqu’au moment où nous
pensons être « professionnels », nous commencerons probablement très
tard et limiterons le Seigneur à cause de notre propre suffisance. D’un
autre côté, ce serait bien triste d’avoir à s’enfuir nu simplement parce
que nous n’étions pas préparés.
3. Face
aux démons
« Mais quelques-uns aussi des
Juifs exorcistes qui couraient çà et là, essayèrent d’invoquer le nom du
seigneur Jésus sur ceux qui avaient des esprits malins, disant: Je vous
adjure par Jésus que Paul prêche. Et il y avait sept fils de Scéva,
Juif, principal sacrificateur, qui faisaient cela. Mais l’esprit malin,
répondant, leur dit: Je connais Jésus et je sais qui est Paul ; mais
vous, qui êtes-vous? Et l’homme en qui était l’esprit malin, s’élança
sur eux, et, s’étant rendu maître des deux, usa de violence contre eux,
de sorte qu’ils s’enfuirent de cette maison, nus et blessés. » Actes
19 : 13-16. Les démons existent-ils toujours ? Peuvent-ils encore
tourmenter les humains de nos jours ?
On s’intéresse beaucoup, dans
les milieux chrétiens occidentaux, à ce qui est diabolique, et ce en
particulier depuis les vingt ou trente dernières années. Cela reflète
probablement une tendance grandissante à l’impiété et aux pratiques
occultes en Occident. Beaucoup de chrétiens réagissent à ce sujet avec
un enthousiasme exagéré parfois théâtral. Quelques uns vont jusqu’à tout
expliquer en terme de démons. Mais il y a aussi ces chrétiens qui s’en
tiennent à une théologie académique disant à ceux qui souffrent qu’ils
ne souffrent pas. Ces croyants ne manquent pas d’amour. Leur manière
d’organiser les Écritures les force à nier l’action d’oppression menée
par les démons aujourd’hui. Peut-être que pour la plupart, les croyants
croient à l’existence des anges auprès d’eux à la maison, et à celle des
démons au loin – habituellement dans un champ de mission éloigné.
Nous chrétiens savons tous que
Christ est la seule réponse. Nous sommes convaincus que la puissance est
dans le nom de Jésus, mais … comment pouvons nous aider ceux qui sont
oppressés, tourmentés et captifs à retrouver la liberté ? Vous pouvez
être enclins à penser en termes de dispensations ou peut-être
d’alliances. Ces schémas soulignent comment Dieu change de manière
d’agir avec l’homme au fil du temps. Mais ils ne réfutent pas la
possibilité que les démons soient actifs aujourd’hui. L’Écriture parle
naturellement de l’existence d’esprits mauvais. Ils font partie de la
création de Dieu, tout comme les pierres, les arbres, les animaux et les
anges. Vous pouvez être charismatique ou fortement anti-charismatique.
Il me semble qu’aider ceux qui sont tourmentés pas les démons ne fait
pas partie du débat charismatique, cela n’est pas classé parmi les
« dons spirituels ».
Il est évident que ce sujet
soulève la controverse. Il en a toujours été ainsi. Face à la preuve
évidente que Jésus avait chassé un démon, quelques pharisiens ont conclu
que Jésus avait utilisé la puissance de Satan (Matthieu 9 : 32-34).
Quelques juifs pensaient que Jésus lui-même était possédé (Jean 10 :
19-20). Lorsque nous cherchons à aider les autres, en particulier ceux
avec des arrière-plans difficiles, il est possible que nous nous
trouvions face à des preuves d’activité démoniaque. Que devons-nous
faire ? Nier l’évidence qui est devant nous ? Nous enfuir ? Leur
suggérer d’aller ailleurs ? Le Seigneur nous montrera très certainement
la vraie solution ! devrions-nous alors copier ce que font les autres ?
les 7 fils de Sceva étaient juifs, pas chrétiens, et rencontraient un
certain succès en chassant les démons. Quelqu’un qui ne suivait pas
Jésus chassait également les démons (Marc 9 : 38). Nous trouvons en
Matthieu 7 : 22-23 un avertissement clair que tout ce qui « fonctionne »
ne doit pas être imité : « Plusieurs me diront en ce jour-là: Seigneur,
Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom, et n’avons-nous pas
chassé des démons en ton nom, et n’avons nous pas fait beaucoup de
miracles en ton nom? Et alors je leur déclarerai :
Je ne vous ai jamais connus ;
retirez-vous de moi, vous qui pratiquez l’iniquité. » cela laisse
entendre que des démons peuvent parfois être chassés lorsque des non
chrétiens utilisent le nom de Jésus. Tout ce qui semble « marcher » ne
doit pas être imité. Ceci dit, ceux qui ont un cœur de pasteur, comme le
Seigneur, se soucieront plus d’aider les autres à vivre librement en
Christ que d’éviter une controverse possible. À moins de trouver une
solution biblique qui fonctionne, nous devrons laisser souffrir ceux qui
souffrent, ou nous nous retrouverons en train de nous enfuir nus à la
prochaine difficulté.
4. Les
vêtements3
L’apôtre Jacques, toujours
pratique, souligne le devoir du chrétien envers un frère ou une sœur qui
« sont nus et manquent de leur nourriture de tous les jours » (Jacques
2 : 15). Nous devons faire en sorte qu’ils ne restent pas nus et ayant
faim. En fait, le Seigneur lui-même s’identifie avec le croyant qui
ressent cette douleur du besoin, au point de dire : « j’ai eu faim, et
vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire;
j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez
vêtu ; j’étais infirme, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et
vous êtes venus auprès de moi. (...) En vérité, je vous dis: En tant que
vous l’avez fait à l’un des plus petits de ceux-ci qui sont mes frères,
vous me l’avez fait à moi. » (Matthieu 25 : 35-40). Si ces mots du
Seigneur Jésus ne nous incitent pas à nous soucier des autres, à nous
investir et à être généreux, nous sommes probablement
intérieurement morts !
Le roi Salomon concluait :
« Comme il est sorti du ventre de sa mère, il s’en retournera nu, s’en
allant comme il est venu, et de son travail il n’emportera rien qu’il
puisse prendre dans sa main. » (Ecclésiaste 5 : 15). Il y a quelques
semaines, mon beau-père a quitté cette terre. Chrétien, il était un
travailleur honnête et aisé. Et pourtant, il n’a rien pris de matériel
avec lui. Vous et moi allons bientôt suivre. Comment considérons-nous
les choses matérielles que nous possédons ? nous n’en sommes que les
administrateurs temporaires.
5. Tromperie
collective
Vous avez peut-être entendu
l’histoire du « nouveau costume de l’empereur » par l’auteur danois
Andersen (1837). Deux escrocs arrivent en ville, tissent une toile
invisible et vendent un costume invisible à l’empereur. Chacun sait bien
qu’il n’y a que les « idiots » qui ne peuvent pas voir le tissu
invisible. L’empereur est sceptique, mais il ne va certainement pas
laisser quiconque savoir qu’il est stupide. Les escrocs l’aident à
enfiler le vêtement invisible et on l’amène devant le peuple. Tous
expriment leur admiration devant les couleurs magnifiques et la coupe
superbe. Personne n’est stupide. C’est alors qu’un enfant remarque :
« mais il est tout nu ! » la plupart des yeux se sont alors ouverts !-
cette histoire nous rappelle les croyants dans des congrégations comme
celle de Laodicée. Ce n’est pas un enfant, mais le Seigneur lui-même qui
s’écrie : « tu … es nu ! » (Apocalypse 3 : 14-18). Les croyants de
Laodicée s’étaient convaincus l’un l’autre qu’ils allaient bien.
Nous pouvons penser de prime
abord qu’une certaine interprétation ou pratique est « bizarre ». et
pourtant, nous nous surprenons à l’accepter, la répéter et la renforcer.
Nous citons les mêmes commentaires, nous nous sourions mutuellement lors
de conférences, nous hochons la tête, et nous continuons à la pratiquer
ou à la répéter. Seuls les « idiots » et les « non spirituels » ne le
font pas. Que ça nous plaise ou non, notre manière de penser est
influencée par ces pressions sociales. Cette triste distorsion de la
réalité, évidente à Laodicée, se retrouve dans les congrégations
conservatrices tout comme dans les libérales. Que le Seigneur dissipe
notre peur et ouvre nos yeux pour voir et appréhender la réalité telle
qu’il la voit. Beaucoup admirent nos arguments bibliques et notre
enseignement, beaucoup peuvent applaudir notre ministère très dense et
« réussi », beaucoup peuvent envier la croissance de notre église
locale, et pourtant, si le Seigneur nous dit « tu es nu », c’est la
réalité. Il ne pourra y avoir d’amélioration à moins que nous
n’acceptions humblement ce qu’il nous dit.
Conclusion
D’un point de vue négatif, nous
devrions étudier et travailler à nous préparer à accomplir le ministère
et toutes les bonnes œuvres que le Seigneur peut choisir d’envoyer sur
notre chemin. Notre but devrait être de ne pas nous enfuir nus loin de
ces occasions. D’un point de vue positif, la nudité est un appel à être
authentique, à rechercher honnêtement la vérité et la réalité, et à les
appréhender, à reconnaître notre dépendance absolue du Seigneur. « il
n’y a aucune créature qui soit cachée devant lui, mais toutes choses
sont nues et découvertes aux yeux de celui à qui nous avons affaire5. »
(Hébreux 4 : 13)
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La version NIV utilisée par PhN dit « sois prêt
en temps et hors de temps ».
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